A la suite de la modification du statut de l’entrepreneur individuel (BIC BNC ou BA) par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante., le décret n°2022-725 du 28 avril 2022 vient définir le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.
Cette définition est bien sûr particulièrement importante dès lors que le nouveau statut unique de l’entrepreneur individuel prévoit une protection de son patrimoine, et que les créanciers ne pourront agir que sur les biens professionnels de l’entrepreneur.
L’article 2 du décret dresse la liste de biens professionnels qui constituent le patrimoine professionnel au sens de l’article L 526-22 du Code de Commerce qui édicte que « les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ».
Les biens professionnels cités par le décret sont les suivants :
- le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
- les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
- les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société ;
- les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
- les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.
Toutefois, il ressort de la formulation du décret que cette liste n’est ni exhaustive ni limitative : « Pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 526-22, les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que… ».
Il faudra en réalité s’attacher à définir si les biens sont utiles à l’activité en fonction de leur nature, leur destination ou leur objet sans se limiter à la liste ainsi dressée.
A ce stade, et dans l’attente de commentaires de l’administration, on peut relever :
- Une certaine contradiction avec la volonté affichée de protéger l’entrepreneur individuel :
Ainsi le décret englobe « les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ».
Outre que cette « partie » devra être nettement définie, cela pourrait signer la fin des « loyers fictifs » (déductibles dans le BIC et imposés en revenus fonciers).
Par ailleurs, des difficultés pourraient apparaître dès lors que l’article L 526-1 du Code de Commerce prévoit que « Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire ».
Enfin, la protection offerte par la création d’une SCI détenant l’immeuble professionnel disparaît puisque le décret prévoit que « lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société.. » feront partie du patrimoine professionnel.
- Un certain flou concernant les véhicules :
« les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison » comprendront-ils les véhicules à usage mixte, utilisés occasionnellement pour l’activité ?
On attendra donc avec intérêt les commentaires de l’administration sur les modalités d’application de ce nouveau décret.
Source :
Légifrance https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045695864