La CAA de Marseille juge que la vente d’un lot par une société de marchand de biens à son gérant pour un prix inférieur à sa valeur vénale est constitutive d’une distribution occulte (arrêt n°20MA01539 du 14 octobre 2021, devenu définitif le 3 juin 2022).

La société Sud Promotion Investissements Immobilier a cédé à son gérant M. B… un terrain à un prix significativement inférieur à celui obtenu des autres clients pour l’achat de lots voisins.

La société se défendait d’avoir commis un acte anormal de gestion, et son gérant d’avoir bénéficié d’une libéralité imposable entre ses mains en tant que distribution occulte, en avançant que :

  • la vente avait permis à la société de réaliser une marge bénéficiaire,
  • la présence sur le terrain d’eau de source et d’un puits ainsi que l’importance des travaux nécessités par ces éléments étaient de nature à justifier le prix de vente retenu.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille a jugé que :

  • le fait que l’acquéreur était également le gérant de la société laisse présumer l’intention conjointe du vendeur d’accorder un avantage sans contrepartie et de l’acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit,
  • la circonstance que l’opération ait dégagé une marge commerciale équivalant à près de la moitié du prix de vente, n’est pas de nature, en l’absence d’autres considérations, à retirer à l’opération son caractère de libéralité.

Le Conseil d’Etat confirme la position de la CAA en estimant qu’aucun  des moyens présentés ne permet l’admission du pourvoi.

Commentaire

On peut rapprocher cet arrêt d’une autre espèce (arrêt CE du 4 juin 2019, n°418357), dans laquelle  l’administration fiscale avait estimé que la vente par une société marchand de biens d’une villa située à St-Jean-Cap-Ferrat pour un prix regardé par elle comme inférieur à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion.

La CAA de Marseille avait suivi la position de l’administration, mais cette fois, le Conseil d’Etat l’avait censurée en considérant que :

« Pour juger que l’administration devait être regardée comme ayant établi que la vente en litige, qui portait sur un élément du stock de la société, était intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale, la cour administrative d’appel s’est fondée sur la seule circonstance que la société avait consenti un prix de vente significativement inférieur à la valeur vénale du bien immobilier en cause, sans qu’elle établisse avoir bénéficié en retour d’une contrepartie. En jugeant ainsi, sans rechercher si la société, qui exerçait l’activité de marchand de biens et soutenait sans être contredite que ce prix de vente lui avait permis de réaliser à bref délai une marge commerciale de 20 %, s’était délibérément appauvrie à des fins étrangères à son intérêt en procédant à la vente, dans ces conditions, d’éléments de son actif circulant, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. ».

La différence essentielle avec l’arrêt analysé est que le lien entre vendeur et acquéreur (la société et son gérant) laissait présumer lintention conjointe d’accorder un avantage sans contrepartie, et donc d’appauvrir intentionnellement la société.

Conclusion :

Les cessions intervenant entre des personnes directement ou indirectement liées (sociétés au sein d’un groupe, ou ayant des liens de capital entre elles, société et gérant(e) ou associé(e)s etc) doivent faire l’objet d’un attention particulière, et si l’opération semble pouvoir avantager l’une des parties (qu’il s’agisse de minorer ou majorer le prix par rapport au prix du marché), il est essentiel d’être en mesure de démontrer que l’avantage consenti comporte une contrepartie suffisante.

Source :

Pappers Justice Arrêt CE du 3 juin 2022, n°459450, non admission du pourvoi contre l’arrêt de la CAA de Marseille n°20MA01539 du 14 octobre 2021.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.